Humeur noire


En librairie le 4 février 2021,
Le point de vue des éditeurs
C’est lors d’une visite au musée d’Aquitaine de Bor- deaux, dans l’exposition consacrée à la traite négrière, qu’Anne-Marie Garat tombe en arrêt devant un cer- tain cartel aux termes pour le moins équivoques. Né d’une humeur noire qui aurait pu rester passagère, ce livre revient, avec toute l’honnêteté et l’énergie qu’on connaît à son auteur, sur la colère qui s’installe, qu’elle a beau raisonner, jusqu’à ce qu’elle vire à l’obsession, ouvrant sur une infinité de questionnements. Aux premiers rangs desquels le rapport d’une ville à son histoire, l’amnésie ou le mensonge collectif, le très actif et toxique déni du passé esclavagiste et colonial. Réflexion qui interroge aussi et autant son propre rap- port, intime et conflictuel, à sa ville natale, à son appar- tenance et donc à son enfance, sa famille, sa propre trajectoire. Et, bien sûr, le nerf de la guerre pour un écrivain : les mots, le langage, leur rôle et leur puis- sance ou leur nuisance dans nos représentations de l’Histoire et de la vérité. Où se vérifie que tout est lié, que tout importe au même titre.

La nuit atlantique


En librairie le 4 février 2020,
Il y a des endroits où nous revenons sans savoir ce que nous y cherchons : que s’y est-il passé, que nous y est-il arrivé ? Qu’y avons-nous fait ou que nous ont-ils fait pour que parfois nous les quittions au plus vite – ou que nous y restions, et alors à nos risques et périls parce que le souvenir que nous en avons, le récit qu’en a forgé la mémoire, enferment un secret qu’il vaudrait mieux ignorer. Pareil pour les livres que nous avons lus, ou ceux que nous avons écrits.
Il y a une maison sur la côte du sud-ouest atlantique où je suis souvent revenue, une vieille villa qui appartenait jadis à Mme Dhal, – elle est imaginaire mais je sais où elle se trouve, plantée seulette en haut de la dune à l’écart du village. Pas très confortable, mais on peut y squatter quelques jours ; disons le temps d’un roman.
De préférence en automne : la plage est vide des gens de l’été, le vent et l’océan font un boucan du diable jusque dans la forêt, surtout la nuit ; qui tombe tôt en cette saison. Les blockhaus de guerre sont en sentinelle d’un passé qui s’est mal passé, un petit sabot de bois traîne peut-être dans le sable les soirs de grandes marées – est-ce un rêve ? Ou un conte, terrible comme tous les contes. Mieux vaudrait mettre cette maison en vente, la virer une fois pour toutes aux encombrants de mémoire.
Mais voilà que, quand on s’y croyait seule, des gens rappliquent. Ils n’étaient pas prévus au programme, pas plus que les fantômes. Comme c’est étrange, quel hasard, et quelle coïncidence : voilà que tout se détraque, ou que tout se raccorde de manière inopinée. De quoi en tomber sur la plage, jambes coupées. De quoi mettre sa voiture dans un fossé, s’allonger sur un lit de fougères avec un inconnu, fuir la vague démente d’une tempête en pleine nuit atlantique, et réécrire l’histoire.

Le Grand Nord-Ouest


Roman,
Parution le 22 août 2018, Actes-Sud
320 pages
Quand j’ai commencé à écrire ce roman, j’ignorais dans quelle cavale se lance Lorna del Rio la flibustière au volant de sa Dodge cabossée. D’elle, je ne sais rien encore, sauf la direction qu’elle prend, ça j’en suis sûre : celle du grand Far-West alaskien et canadien…
Moi, j’ai plutôt six ans, comme la petite Jessie qu’elle embarque dans sa fuite le lendemain de son anniversaire sur la plage de Santa Monica, où son père Oswald Campbell, le maquignon de cinéma, vient de se noyer.
Ou plutôt, je suis Bud Cooper qui l’écoute quinze ans plus tard raconter ce qui est lui arrivé avec sa mère à la poursuite d’un trésor ou d’un mirage d’enfance sur les pistes forestières et comment, petite soeur du Kid ou jumelle de Little Orphan Annie, elle est devenue Nez de renard, puis Qui donne ses dents, et puis Njyah avec Herman l’Indien taciturne et Kaska, une gwinch’in en exil, jusqu’à rencontrer la tribu tutchone d’Äyèsh’i Män – de qui je n’ai aucune idée.
Bien sûr que si, j’en sais quelque chose ! Depuis le temps que je dévore récits, romans, films, et ouvrages sur les peuples nord-amérindiens, potlatchs et totems, Compagnies de traite de peaux et fourrures avec coureurs de bois, chercheurs d’or et trappeurs en traîneaux de chiens, et dernières frontières … Toute fiction étant peu ou prou autobiographie de son auteur, j’aurais pu me demander ce qui me prenait soudain d’écrire un western, d’enfourcher ce genre typiquement masculin. Justement, voyons de quoi il retourne… Car il se trouve que je suis allée voir par là-bas ces contrées après avoir écrit La source, dont ce roman n’est pas la « suite », plutôt la résurgence, manière de mieux approcher l’altérité de ce monde, et cette fois écouter la voix des ombres et des esprits, des âmes sauvages qui viennent parfois dans nos rêves nous parler de nos vies antérieures de mille fois mille ans.

La Source


Roman,
Parution 19 août 2015, Actes-Sud
380 pages
Venue au Mauduit, petit village de Franche-Comté, au motif officiel d’obtenir de la mairie l’autorisation, pour ses étudiants en sociologie, de consulter les archives communales de cette si banale petite bourgade française, la narratrice, hantée par la sombre énigme de son propre passé familial, ignore qu’elle va y faire une rencontre décisive en la personne de Lottie, solide et intimidante nonagénaire, désormais seule occupante de la vaste demeure des Ardenne, construction aussi baroque qu’extravagante édifiée sur des terres de mauvaise assise dans un méandre de la rivière qui coule en contrebas du bourg.
Soir après soir, la vieille dame qui, faute d’hôtel au village, accepte de loger la visiteuse, dévide pour elle l’histoire du domaine où elle est entrée comme bonne d’enfant à l’orée du xxe siècle. Mais faut-il la croire sur parole, elle qui dit n’être que la récitante des fantômes qui ont jadis habité ces murs, ou sont partis vers l’Afrique, le Tonkin ou les forêts du Yukon ? Et que faire du récit de cette conteuse acharnée qui, sans avoir jamais quitté sa campagne, rêve peut-être à haute voix quelque exotique roman de la filiation dont elle contraint la narratrice à devenir la dépositaire ?
Où les histoires prennent-elles source et où vont-elles une fois racontées ? La narratrice, écoutant la vieille Lottie, devine-t-elle en quoi celle-ci va éclairer son propre destin ?
Car les récits ni les contes ne sont d’inoffensives machines et leurs puissants sortilèges s’entendent à recomposer jusqu’à la matière même du temps.

Amours de loin, Images


Actes-Sud Babel
Septembre 2015
Trois textes courts en forme de dialogue L’Amour de loin, Image (1998), La rotonde, Panorama (2004) et Hongrie, Blason (2009) parus dans la collection « Un endroit où aller » sont réunis dans ce volume.

La première fois


Roman,
novembre 2013, Actes-Sud
Collection « Essences », 56 pages.
Premières lignes :
A l’automne de cette année-là, je me suis résolue à passer une nuit chez ma mère, la dernière me disais-je, dans cette maison où elle a été enfant, qu’elle a hérité de son père, lui-même la tenant de son père et celui-ci de son propre père qui la bâtit de ses mains en 1873 pour lui et ses fils au lieu-dit Les Calinottes, un peu à l’écart du village dans cette campagne du Médoc parmi les vignes. A la mort de grand-père, mes parents qui venaient de prendre leur retraite s’y sont établis, ils y ont vécu durant quinze ans, puis ma mère une fois devenue veuve y est restée seule quinze encore avant de se retirer dans un établissement pour personnes âgées et, les frais excédant ses revenus, de décider de s’en séparer, mettant ainsi fin à cent quarante ans de succession familiale

Programme sensible


Extraits de presse, pariscilaculture.fr
Mai 2013
Le survivant
Très à l’aise pour remonter le cours du 20ème siècle dans une trilogie remarquée, Anne-Marie Garat sonde ici le monde d’aujourd’hui tel qu’il ronge les êtres. Saturé d’images et de mots, Programme sensible impressionne par sa maîtrise et son questionnement.Alexandre Fillon, Livre-Hebdo, février 2013

Programme sensible


Roman, 4 février 2013,
Editions Actes-Sud,
254 pages
Quel est ce Document, soudain ouvert plein écran sur un chemin enneigé de forêt nordique ? Que trafique cet individu seul dans son deux-pièces en banlieue populaire loin du métro et du RER, ignoré du GPS et des cartes de Google Earth, est-il un homme augmenté ? Dès que je tente de le géolocaliser par capteur au laser et à 360 degrés, les pixels de mon écran se brouillent. D’ailleurs, il me tourne le dos. Assis devant son ordinateur comme moi devant le mien. On dirait que ça se sent le mazout

Anon, photographies anonymes


Introduction d’Anne-Marie Garat
Octobre 2012,
Editions Photo-Poche-Actes-Sud,
108 photographies en noir et blanc reproduites en duotone

Photos de familles, un roman de l’album


Essai
11 mai 2011
Editions Actes-Sud,
216 pages, 48 illustrations quadri

Pense à demain


Trilogie “ Une traversée du siècle ”
Roman
Avril 2010,
Editions Actes-Sud,
720 pages

La Diagonale


Roman
Août 2009,
Atelier In-8, Coffret « Travelling »,
32 pages
Hongrie


Blason
Fév 2009, Ed Actes-Sud,
Collection un endroit où aller, dirigée par Hubert Nyssen,
52 pages
Dernier volume d’une trilogie sur l’imaginaire, après L’Amour de loin et La Rotonde. Montepulciano, au cœur de l’Italie, petit matin d’orage parmi les vignes. Deux amis sur le point de se quitter font une dernière promenade, jusqu’à l’arbre, là-bas… L’un pose à l’écrivain une question apparemment anodine : pourquoi dans ses livres est-il tant question de la Hongrie ? Sous forme de conversation, la réponse intime se cherche au fond des puits, parmi les cailloux, les nuages, les œuvres, parmi les livres et les images qui composent le blason d’un imaginaire.
L’enfant des ténèbres


Roman, Trilogie « Une traversée du siècle »
Avril 2008, Editions Actes Sud,
700 pages
Depuis Dans la main du diable, vingt ans ont passé : la grande guerre a bouleversé le monde, laissant derrière elle des sociétés en crise et, en chacun, d’innombrables blessures intimes. Monte à l’horizon un crépuscule tragique dont peu anticipent les menaces…
En cet été 1933, Camille Galay la petite Millie de Dans la main du diable, débarque de New York, où elle a grandi. Elle erre dans Paris, la ville de son enfance, hantée par la mort de son ami Jos, un photographe hongrois, avec qui elle a arpenté l’Alabama en ruines de la Grande Dépression et à qui elle a promis de rapporter à Budapest un certain étui de cuir rouge…
On ne peut pas continuer comme ça


Roman
Juin 2006, Atelier In-8,
34 pages
Perdue loin de tout, enfouie sous les fougères de la forêt de pins, une station-essence est à vendre Peut-être cela vaut-il de descendre de sa voiture, mais deux pas hors de la route mènent très vite au cauchemar
Dans la main du diable


Trilogie “ Une traversée du siècle ”
roman
Avril 2006, Editions Actes-Sud, 906 pages.
France-Loisirs, 2006
Babel 840, 2007
Traductions :
Italie, Edition Il Sagittario, Milan, 2009
Espagne, Edition Belacqva, Barcelone, 2008
Grèce, Editions Polis, Athènes 2008
Une faim de loup


Lecture du Petit chaperon rouge
Nov 2004, Ed Actes-Sud,
Collection Un endroit où aller, dirigée par Hubert Nyssen,
233 pages
Paradoxal, comme tout objet d’art, Le Petit Chaperon rouge de Charles Perrault se présente dans son évidence obscure, parlant à personne et à chacun, hors des contingences temporelles. Le dialogue intime qu’est la vraie lecture n’en finit pas de révéler le secret universel et singulier qu’il recèle, dans son opacité transparente, en lequel réside sa souveraineté d’œuvre littéraire.
La Rotonde


Panorama
Fév 2004, Ed Actes-Sud,
Collection Un endroit où aller, dirigée par Hubert Nyssen,
59 pages
A la loupe, à la jumelle, embrassant le détail et le tout du panorama de bord de mer, la vue distingue les signes d’une histoire en cours, dans la brièveté de l’instant photographique, ou à la vitesse d’une balle de fusil traversant l’espace, tandis que naît la narratrice, que meurt un intrépide escaladeur de falaise, tandis que le soleil se lève et que court le limaçon, qu’une femme ouvre son ombrelle, que disparaît la buée d’un bol, se coordonnent les motifs d’un roman ou les bribes d’une fresque picturale en trompe-l’œil.
Nous nous connaissons déjà


Roman
Août 2003,
Ed Actes-Sud,
Collection un endroit où aller, dirigée par Hubert Nyssen,
338 pages
Babel 741, avril 2006
Le hasard d’une promenade nocturne en forêt landaise met la narratrice, experte en photos anciennes, en présence de Laura, une jeune femme inconnue, et familière à la fois. De pertes en rencontres, des plages de l’Atlantique à la Toscane et Amsterdam, et jusque dans une gare abandonnée des Hautes Pyrénées, elles affrontent leur secret commun, les trompe-l’œil de l’image et les feintes de la mémoire, les horreurs du siècle et leur propre histoire de femmes. A la recherche d’un bourreau de la guerre d’Espagne, la narratrice mène une enquête qui en cache une autre, et le calepin d’un vieux comptable l’enseigne moins que sa propre énigme, tant il est vrai que nous nous connaissons déjà.

Les mal famées


Roman
Août 2000, Ed Actes-Sud, Collection Un endroit où aller, dirigée par Hubert Nyssen,
213 pages
Prix Marguerite-Audoux, 2000
Babel 557, 2005
Lise est très jeune et Marie déjà bien vieille mais, cet hiver-là, sous les bombes de la guerre, elles se rencontrent et s’adoptent ; la mère de la fille n’est pas celle qu’on croit. Dans la petite maison d’angle de l’impasse qu’elles ont élue pour y vivre ensemble, la couturière en gilets et la cuisinière cordon bleu, toutes deux employées de maison bourgeoise, allient leur solitude et leur détresse semblables, pour s’en sortir, disent-elles… Mais se sortir de quoi quand on n’a rien, mêmement orphelines et fiancées de fantômes, ni une chambre à soi, ni droit à revendiquer, pas même la parole ? Il neige quand se présente un soir, dans le quartier évacué, un fugitif qui leur confie un colis encombrant, quand la brocanteuse leur met sur les bras une petite fille sauvée d’une rafle, tandis que rôde un facteur de mort…

L’amour de loin


Image,
Janvier 1998,
Ed Actes-Sud, Collection Un endroit où aller, dirigée par Hubert Nyssen
60 pages
Lise est très jeune et Marie déjà bien vieille mais, cet hiver-là, sous les bombes de la guerre, elles se rencontrent et s’adoptent ; la mère de la fille n’est pas celle qu’on croit. Dans la petite maison d’angle de l’impasse qu’elles ont élue pour y vivre ensemble, la couturière en gilets et la cuisinière cordon bleu, toutes deux employées de maison bourgeoise, allient leur solitude et leur détresse semblables, pour s’en sortir, disent-elles… Mais se sortir de quoi quand on n’a rien, mêmement orphelines et fiancées de fantômes, ni une chambre à soi, ni droit à revendiquer, pas même la parole ? Il neige quand se présente un soir, dans le quartier évacué, un fugitif qui leur confie un colis encombrant, quand la brocanteuse leur met sur les bras une petite fille sauvée d’une rafle, tandis que rôde un facteur de mort…

Istvan arrive par le train du soir


Roman
Avril 1999,
Editions d Seuil, Collection Fiction & Cie, dirigée par Denis Roche,
Prix Thyde-Monnier, SGDL 1999
202 pages.
Joseph aime Odile, il aime Istvan, son ami de jeunesse, il aime aussi Christine, et Alicia, une fille étonnante, spécialiste du magdalénien, et aussi sa tante Emma. Il aime observer son jardin, à la jumelle ou à l’œil nu, il aime être nu. Mais voici qu’il y a un mort depuis huit jours dans le jardin, près du clapier à lapins.
Odile est absente, et ce week-end Istvan arrive de Budapest, par le train du soir. Alors Joseph se demande où est l’anomalie, quel couteau il a perdu, quelle femme le guette aux Galeries Lafayette. Il se demande pourquoi Istvan, son meilleur ami, file nuitamment un homme dangereux sur les quais de la Seine ; s’il a vraiment reconnu Alicia dans un peep show de Milan ; pourquoi il garde dans ses poches la photo d’une femme nue en posture acrobatique, du sable dans une boîte, un ticket de consigne de la gare de l’Est. Enfin Joseph voudrait savoir quelque chose. Mais on apprend toujours trop tard qu’il aurait fallu ne pas entendre, ne pas voir. Et nous visons avec les ombres, avec les fantômes.

Dans la pente du toit


Récit
Janvier 1998, Edition du Seuil, Collection Fiction & Cie, dirigée par Denis Roche,
185 pages
Cette chose si délicatement ordinaire et cruelle qu’est l’expérience de la mort, comment la dire, comment l’écrire ? Comment lui trouver un traitement approprié quand aucun traitement, précisément, n’a pu s’appliquer à mon père ni à ma sœur, morts tous deux à quelques semaines d’intervalle, de mort lente ? Comment collecter sans vomir cette langue noire de la mémoire, ce mal ?
J’ai pensé à Bohumil Hrabal juché sur son toit au soleil de Prague, assis sur la chaise aux pieds sciés, il écrit en équilibre instable, et soudain cet hiver il est mort, il est tombé du toit. Et ça m’a fait peur, car tout ce que je croyais impossible perdu enfoui, gravement détérioré vraiment incinéré massacré s’est mis à crier, crier.
Comment se remettre d’aplomb chaque matin, comment tuer la peur ?
Comment tuer la peur, je me le demande.

Photos de familles


Essai sur la photo d’anonymes
1994, Ed du Seuil, Collection Fiction & Cie, dirigée par Denis Roche,
256 pages
Dans chaque maison, il y a au moins un livre, un roman : l’album des photographies de famille.
Ces photos d’anonymes, ces images sans qualité, je les collecte depuis longtemps, je les aime, elles m’émeuvent. Elles ont fini par constituer mon album imaginaire, aux visages inconnus et familiers. Elles m’ont instruite sur ce que je cherche en écrivant, un certain rapport au monde et à sa représentation. Je voudrais que ce livre éclaire. Qu’il dise quelle lumière peut nous venir de ces images de rien, de ce roman de la vie ordinaire. Je voudrais que ce livre se consulte comme une traversée des apparences, qu’il fasse entendre les voix silencieuses, le langage d’ombre et de lumière qui vient de la photographie.
Mon livre commence avec le portrait d’une centenaire dont les yeux ont vu le XIXème siècle. Nuage atmosphérique, nébuleuse atomique. Nuage du grain argentique. De la centenaire au nuage, j’ai voulu écrire l’histoire de nos chambres noires.

Merle


Roman
Janvier 1996, Ed du Seuil,
Point Seuil, 621
239 pages
Traduction : Turc, Karatavuk, édition Telos, 1997
Elle a pour surnom Merle, elle est monteuse de cinéma. Elle coupe et colle des séquences pour parvenir à un montage ordonné des images : elle aimerait bien que sa vie soit de même, qu’elle ait un sens : une ligne générale, comme le professe Bastiao, le cinéaste brésilien qui veut rendre vie à un étrange film muet venu d’Amazonie, où pose une femme morte… Mais la vie n’est que faux raccords, collisions d’histoires disparates sur les écrans nocturnes de sa table de montage. Alors elle court du centre à la périphérie, des rues de Paris aux banlieues, mais ni son amie Rachel, pas plus que Ben, son ex-mari, ni sa sœur Joyce, ni son ami Chaplain ne lui donnent la solution, qu’elle trouve seule chez un coiffeur d’occasion, et peut-être dans le tableau du Songe de Saint Ursule, dans cette chambre où pénètre un ange…

Aden


Roman
Sept 1992, Ed du Seuil,
235 pages
Prix Femina, 1992
Prix renaudot des lycéens, 1992
Editions Corps 16, 1993
Points Seuil, R642, 1994, réédité P 1606, 2007.
Traductions :
Espagnol, Aden, Norma Lumen, Femenino Singular, 1996
Danois, Aden, Ed Gyldendal, 1995
Norvégien, Aden, Gyldendal, 1995
Aden Seliani est entré par effraction dans la mémoire d’un cerveau informatique, dont le langage le tient hors de portée de lui-même. Mais une circonstance accidentelle l’oblige au retour longtemps différé à son passé. Fils d’immigré d’Europe de l’Est, il revient à la banlieue de son enfance où se meurt Iana sa mère ; trois jours et nuit de déplacements urbains anarchiques lui font franchir les frontières intérieures que nul ne franchit sans risques. De Kerin, sa femme irlandaise à Owen à son boss américain, de Otar, le fantôme du père, à Li Song, réfugiée vietnamienne, à son vieux professeur de collège qui rôde dans les gares, il n’a d’autres témoins de sa conscience éclatée, ni d’autre ailleurs à espérer que lui-même. Sauf à explorer les atteintes de la mémoire et leur corollaire, le refus de l’Histoire, et à retrouver un langage humain qui lui permette de s’adopter, enfant du siècle.

Chambre noire


Roman
Sept 1990 Ed Flammarion,
262 pages
Prix Alain-Fournier, 1991
Avril 2008, Babel
Traduction :
Danois, Gyldendal, Morkekammer, 1993
Milena trouve, dans la maison familiale de Jorge Marechal, des photos étranges, prises par un jeune mort de la guerre de 1914. Parce qu’elle est photographe, elle déchiffre leur secret et, avec lui, celui d’un siècle d’histoire familiale : l’aïeule, Constance, qu’une rencontre d’enfance au bord d’une allée à vouée à la folie ; son époux, pharmacien voyageur halluciné et son équivoque ami, aventurier criminel ; son fils trop aimé et la sœur de celui-ci, Madeleine, dernier témoin vivant ; mais aussi les sombres épisodes d’une rafle en 1944 dont Terence Becker, le survivant, hante la mémoire de Jorge, jusque dans les rues de Lisbonne… De l’empreinte des guerres du siècle nul n’est indemne, elle continue de corroder la mémoire en chambre noire, et Milena en Mélanie s’inverse, cherche à la lumière des négatifs à comprendre sa propre histoire, jusqu’à ce jour d’avril 1986 qu’envahit le nuage de Tchernobyl…

Le Monarque égaré


Roman
Août1989, Ed Flammarion, 230 pages
Point-Seuil, P205, 1996
Une expédition dans une île du Grand Nord canadien, sur la piste du Monarque, fabuleux papillon migrateur, conduit Thomas, un entomologiste de 40 ans, à vivre une épreuve qui provoque en lui une surprenante mutation : en une saison, il est devenu énorme, métamorphosé et comblé par l’ampleur formidable de son corps. En Ile de France, dans la propriété familiale aux maisons jumelles, il retrouve pour un été les quatre générations de femmes de sa famille : l’aïeule Bonne maman, sa mère Louise, et Looa, toutes deux veuves de son père, capitaine au long cours et bigame mélancolique, sa demi-sœur Elisabeth et son amie inséparable, Charlie, et la troupe de leurs petites filles, dont la dernière née, mutique… Dans le champ clos de cette cohabitation que l’été exaspère de sensations et visions, tel les Monarques égarés qui retrouvent d’instinct leur route d’origine, il achève sa mue, fils et jumeau de lui-même, sous une pluie d’étoiles.

L’insomniaque


Roman
Août 1987, Ed Flammarion, 233 pages
Prix François-Mauriac, 1987
Babel 440, 2000
A Ravenne, un instant aveuglé par la lumière d’été, Simon Fernet croit assister à la disparition de sa jeune femme, Clémence. Dès lors privé de sommeil, il va d’une ville à l’autre, rassemblant les bribes d’un passé qui ne passe pas, aussi morcelé par la mauvaise mémoire que les mosaïques éblouissantes du tombeau de Galla Placidia, ce ciel constellé d’étoiles dont l’unité apparente avertit de l’illusion. Qui sont ses enfants, et ce frère ennemi, qui est vraiment Clémence, quel but Fernet poursuit-il, linguiste qui n’a pour plus pour recours désormais que le soliloque nocturne ? Au rendez-vous d’avec lui-même, à Rimini, il trouve la réponse à sa hantise de la perte…

Voie non classée


Roman
Sept 1985, Ed Flammarion,
252 pages
Une petite fille, Camille, grandit dans l’impasse de son enfance, une voie non classée oubliée du cadastre, dans le quartier reculé d’un grand port, parmi les traces de la guerre… Qui lui rendra raison de sa sœur perdue, sa jumelle morte de naissance ? Elle observe ses voisins, de toutes les fenêtres se croisent des points de vue offrant en mosaïque les fragments de destinées secrètes. Un soir d’hiver, le petit Miklos a disparu… Une bagarre devant l’épicerie… Et le corps nu d’Anna Kreuzer, venue de loin, que l’amour a déserté. Dans la chaleur écrasante de l’été, en compagnie de la vieille Silvère, Camille opère sa mue, impatiente des initiations qui baptisent à l’existence.

L’Homme de Blaye


Roman
Fev 1984, Ed Flammarion,
222 pages
L’été passe mal ; un matin son corps porte d’étranges marques ; Hélène l’a quitté, il passe ses nuits à revisiter le Songe de Sainte Ursule, un tableau de Carpaccio qu’il interroge à la loupe… Etienne Sylvestre entreprend alors un retour incertain vers sa ville natale, Blaye-sur-Gironde… Il y rencontre France, une femme qui lui raconte des histoires, la sienne, celle de son père oublié, peut-être mort d’amour dans la vase des berges, et celle de Jaufré Rudel, le poète qui partit en croisade chercher l’amour de loin, dont la beauté hante l’estuaire de la Gironde, et son horizon perdu.
Etienne est photographe, mais le grain des images comme le sable disperse la réalité, et la mort aura pour lui le visage de l’ange qui joue du couteau, la nuit, dans les rues désertes de la petite ville de Province.
